Enlightenment

Rousseau et Locke: Dialogues critiques

Rousseau et Locke: Dialogues critiques is the July volume in the Oxford University Studies in the Enlightenment series. This volume, edited by Johanna Lenne-Cornuez and Céline Spector reassesses the legacy of Lockian thought in that of Rousseau, in all areas of his philosophy. This blog post introduces readers to this new edited collection discussing the claims and ambitions of the book.

Rousseau et Locke: Dialogues critiques is a French-language book and this blog post has been written in both English and French.


In the wake of the conference that we organized in 2019 at Sorbonne University, this edited volume is a reassessment of Locke’s legacy in Rousseau’s work. While establishing the extent of Rousseau’s debt with regard to the ‘wise Locke’ in all areas of his philosophy (personal identity, epistemology, medicine, morality, pedagogy, economy, politics), the book sheds light on the uses of Lockean themes and concepts in Rousseau – even if it means identifying the distortions that the Genevan philosopher inflicted on his predecessor.

From a philosophical point of view, the claim of this volume is the following: Rousseau elaborated many of his major themes in a critical dialogue with Locke. Far from being an evanescent influence, Locke’s views are a constant reference for Rousseau, of which he makes use in a fruitful way. For Rousseau, Locke is neither a pure adversary with whom he constantly disagrees, nor a simple textual resource from which he would be content to draw. Locke is sometimes an ally, sometimes an adversary, or rather he is neither one nor the other: Lockean philosophy is the theoretical and methodological place within which Rousseau fits. It is the origin of the principles that he subverts systematically. Consequently, Rousseau turns out to be much closer to the author of the Essay and the second Treatise than scholarship has long perceived. The ambition of this edited volume is therefore to deviate from any reductive vision of the Lockian heritage in order to restore the relationship between the two authors to all its depth and nuance. Its investigation on Locke’s legacy goes beyond the prism of preconceived oppositions – naturalism/historicism; materialism/dualism; liberalism/republicanism.

First, Rousseau uses Locke in a strategic way. Behind the praise of ‘the illustrious Locke’, the Citizen of Geneva in exile brandishes a community of principles like a defensive shield. However, beyond a rhetorical use, the author of the Social Contract reclaims Locke against Grotius and Hobbes: he stands out as a champion of the inalienability of freedom against the ‘perpetrators of despotism’ (CS, I, 5). This use is notably clarified in this volume by the contributions of Céline Spector, about the inalienability of freedom, of Jean Terrel, about the institution of the contract, and of Ludmilla Lorrain, on the consent to representation.

Yet Rousseau also makes a polemical use of Lockean philosophy. Beyond Locke’s open criticism, our volume then seeks to identify the breaking point. This polemical use is notably enlightened by the contributions of Anne Morvan, about the dispute between Locke and Rousseau in the use of naturalistic arguments, and of Philippe Hamou about the epistemic and anthropological implications of their dispute on natural religion. Conversely, Rousseau can appear as an ally, as Claire Crignon shows, with regard to the criticism of doctors.

But the targeted criticism of Locke can mask a substantial legacy, particularly in terms of pedagogy. This debt is clarified by the contributions of Christophe Martin, on the educational revolution initiated by Locke, and of Gabrielle Radica, on the educational use of sanctions. In the same spirit, a surprising filiation between Rousseau’s and Locke’s moral philosophies must be restored. Beyond the rupture constituted by the Profession of Faith of the Savoyard Vicar, it is the coherence of the empiricist project that must be questioned. The critical dialogue is addressed by Louis Guerpillon, on the meaning of empiricism in morality, and by Johanna Lenne Cornuez, on the definition of the citizen of modern times.

Finally, Rousseau sometimes uses Locke as a source of authoritative arguments. This is the case when personal identity is at stake, or even when Rousseau considers the uneasiness that motivates our actions. However, this recovery cannot be a simple repetition. Concerning the relationship between memory and subjective identity, the appropriation of Locke by Rousseau is much more complex than it seems. The issues of action and motivation implies a return to the letter of Locke’s text. These uses, which do not escape the critical dimension, are clarified by Stéphane Chauvier, on the basis of personal identity, and by Christophe Litwin, on uneasiness as a motivation.

For each of these three types of uses – strategic use, polemical use and critical appropriation – the term critical dialogue is relevant: dialogue, because Rousseau is situated first of all on a terrain that he identifies as Lockean; but critical, because Rousseau’s use of Locke’s ideas is never their simple repetition. We can therefore speak of a critique carried out from within the theses inherited from Locke.

Après le colloque que nous avons organisé en 2019 à Sorbonne Université, il nous a semblé qu’une réévaluation de l’héritage de la pensée de Locke chez Rousseau s’imposait. C’est ainsi que ce volume est né. Tout en établissant l’étendue de la dette de l’auteur d’Émile à l’égard du ‘sage Locke’ dans tous les domaines de sa philosophie (identité personnelle, épistémologie, médecine, morale, pédagogie, économie, politique), il met en lumière les usages des thèmes et concepts lockiens chez Rousseau – quitte à identifier les distorsions que le philosophe genevois fait subir à son prédécesseur.

D’un point de vue philosophique, la thèse défendue par ce volume est la suivante : Rousseau a élaboré un grand nombre de ses thèses majeures dans un dialogue critique avec la philosophie lockienne. Loin d’être une influence évanescente, les thèses de Locke sont une référence constante pour Rousseau, dont il fait un usage aussi varié que fécond. La philosophie rousseauiste institue une relation singulière à cette source : Locke n’est ni un pur adversaire avec lequel il s’agirait toujours de marquer son désaccord, ni une simple ressource textuelle à laquelle il se contenterait de puiser. Locke est tantôt un allié, tantôt un adversaire, ou plutôt il n’est ni l’un ni l’autre : la philosophie lockienne est le lieu théorique et méthodologique au sein duquel Rousseau s’inscrit et l’origine des principes auxquels il fait subir de notables subversions. Il s’avère beaucoup plus proche de l’auteur de l’Essai et du second Traité que l’exégèse l’a longtemps perçu. Aussi l’ambition de ce volume est-elle de s’écarter de toute vision réductrice de l’héritage lockien pour redonner aux rapports entre les deux auteurs toute sa profondeur et ses nuances. Interroger l’héritage de Locke par-delà le prisme d’oppositions préconçues – naturalisme/historicisme ; matérialisme/dualisme;  libéralisme/républicanisme – donne son unité à ce volume.

L’usage de Locke par Rousseau pourrait n’être que stratégique. Derrière l’éloge de ‘l’illustre Locke’, l’auteur en exil brandirait une communauté de principes comme un bouclier défensif. À s’en tenir à un usage stratégique, la dette reconnue à l’égard de Locke ne serait qu’une illusion rétrospective. Cependant, par-delà un usage rhétorique, l’auteur du Contrat social fait de Locke un usage instituant une communauté de pensée contre une autre : celle des partisans de l’inaliénabilité de la liberté contre celle des ‘fauteurs du despotisme’ (CS, I, 5). Cet usage est notamment éclairé dans ce volume par les contributions de Céline Spector, à propos de l’inaliénabilité de la liberté, de Jean Terrel, au sujet de l’institution du contrat, et de Ludmilla Lorrain, sur le consentement à la représentation.

S’inscrivant de plain-pied dans les controverses de son temps, le philosophe fait également un usage polémique de la philosophie lockienne. Au-delà de la critique ouverte de Locke, le volume cherche alors à identifier le point de rupture. Cet usage polémique est notamment éclairé par les contributions de Anne Morvan, à propos du différend qui oppose Locke et Rousseau dans l’utilisation d’arguments naturalistes, et de Philippe Hamou au sujet des implications épistémiques et anthropologiques de leur différend sur la religion naturelle. À l’inverse, Rousseau peut apparaître comme un allié, comme le montre Claire Crignon, à propos de la critique des médecins.

Mais la critique ciblée de Locke peut masquer un héritage conséquent, notamment en matière de pédagogie. Cette dette est éclairée par les contributions de Christophe Martin, à propos de la révolution pédagogique initiée par Locke, et par Gabrielle Radica, à propos de l’usage éducatif des sanctions. Dans le même esprit, une filiation surprenante entre leurs philosophies morales doit être restituée. Par-delà la rupture que constitue la Profession de foi du Vicaire savoyard, c’est la cohérence du projet empiriste qui doit être interrogée. Le dialogue critique est éclairé par Louis Guerpillon, à propos du sens de l’empirisme en morale, et par Johanna Lenne‑Cornuez, au sujet de la définition du citoyen des temps modernes.

Enfin, Rousseau utilise parfois Locke comme source d’arguments d’autorité. C’est le cas du fondement mémoriel de l’identité personnelle ou encore de l’inquiétude qui motive nos actions. Pourtant, cette reprise ne saurait être une simple redite. Concernant le rapport entre mémoire et identité subjective, l’appropriation de Locke par Rousseau est bien plus complexe qu’il n’y paraît. La question des mobiles de l’action suppose quant à elle de revenir à la lettre du texte de Locke. Ces usages qui n’échappent pas à la dimension critique seront éclairés par Stéphane Chauvier, à propos du fondement de l’identité personnelle, et par Christophe Litwin, à propos de l’inquiétude comme mobile de l’action.  

Pour chacun de ces trois types d’usages – usage stratégique, usage polémique et appropriation critique –, le terme de dialogue critique est pertinent : dialogue, parce que Rousseau se situe d’abord sur un terrain qu’il identifie comme lockien, critique, parce que l’usage que Rousseau fait des idées lockiennes n’en est jamais la simple répétition. Aussi peut-on parler de critique menée de l’intérieur de thèses héritées de Locke.

— Johanna Lenne-Cornuez (Sorbonne University/CNRS) and Céline Spector (Sorbonne University)


Rousseau et Locke: Dialogues critiques is part of the Oxford University Studies in the Enlightenment series, published in collaboration with the Voltaire Foundation, University of Oxford.


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